Associations Libres

"Faut pas croire tout ce qu'on voit sur le web" – Einstein

La croisière s’allume : en eaux troubles (jour quatre)

Lorsque j’ai commencé ce projet, de (très très) nombreuses personnes m’ont prévenu de faire attention et que je risquais de me mettre en danger. Je n’ai pas pris la chose au sérieux à ce moment-là, et pas plus maintenant – à aucun moment je ne me suis senti pas en sécurité lors de ces conférences. Mais je ne suis pas le seul auteur ici, et les autres, qui contrairement à moi, sont des journalistes professionnels, vont eux aussi raconter leurs aventures.

D’ici là, j’aimerais partager les événements de ces derniers jours, c’est un récit d’une longue série d’événements prenant place lors d’un événement lui même complexe et bien chargé. Ce récit va être long et lui aussi complexe de temps en temps. Désolé.

Si vous voulez des histoires courtes, concises et claires, prenez en une qui ne comporte pas un gourou anti-vaccin, un candidat à la présidentielle aimant jouer du flingue, un auto-déclaré et auto-diplômé « juge international » et un alchimiste sur le même bateau. Je fais avec ce qu’on me donne.

Ce billet est une traduction de :Troubled Waters: ConspiraSea Cruise Day 4(ish)

Tout d’abord : briquer le pont

Lorsque je dis que je ne suis pas un journaliste professionnel, je veux dire deux choses. Tout d’abord, je n’ai pas l’entraînement pour, donc il peut m’arriver de relater des choses « en gros » ou même d’oublier un détail. Je prends les corrections de toutes les sources si il y en a. Et de plus, je ne suis pas payé.

Je ne reçois pas d’argent pour écrire ces articles, à deux exceptions et demi près : la première est que des soutiens m’ont crowfundé pour payer mon billet pour cette croisière. Ces récits sont une partie de ce que je leur ai promis en retour, mais bien sûr, ils n’ont – ni ne pouvaient – demandé de couverture particulière. Ensuite, nous recevons un peu d’argent venant de la publicité lorsque vous visitez le site Violent Metaphors. Mais cela ne crée pas de fil à la patte cependant et le trafic moyen est trop faible pour que ça fasse vraiment de l’argent même à l’occasion des billets les plus populaires.

Et la demie-exception : je travaille toujours sur un livre qui sera tiré de ces recherches. Je ne me ferais probablement pas beaucoup d’argent avec non plus, de toutes façons. C’est la vie (et je ne me plains pas, je n’ai pas commencé tout ça dans le but de faire de l’argent).

Bien, c’est une bonne idée de rappeler ce genre de chose même sans raison mais il y a une bonne raison pour laquelle j’en remets une couche

[Ici se situe une photo d’une conférencier menaçant une journaliste, photo retirée depuis]

J’aimerais éviter ceci, et si ça aide de bien redire que je ne travaille pas pour le Qatar ou Ari (ou même Rahm) Emmanuel – et bien voilà qui est fait.

Mardi : mer agitée

Je le redis, je ne suis pas le seul ici à écrire, Anna Merlan de Jezebel (un blog féministe assez rock&roll NDT) est ici, tout comme une équipe comportant une photographe et un journaliste représentant une autre publication. Je pense qu’il y en a eu au moins une de plus mais je n’en suis pas certain. Ils sont arrivés avec un minimum d’idées préconçues et une volonté sincère d’apprendre et d’écouter.

C’est à dire qu’ils ne croyaient probablement pas que les vaccins causent l’autisme ou que des aliens ont bâti les pyramides avant la conférence, et je doute qu’ils le croient maintenant, mais ils travaillent manifestement diligemment pour comprendre et documenter ces points de vue. La plupart des gens partageant ces croyances sont ravis de cela. Mais « la plupart » ce n’est pas « tous ».

Mardi, nous avons eu une session double : dans une pièce, Michael Badnarik, le candidat à la présidentielle de 2004, parlait de Déclaration des Droits, dans une autre, Leonard Horrowitz et Sherri Kane présentaient leur documentaire sur les attaques de Paris. J’ai choisi d’aller voir Badnarik, étant donné mon intérêt pour l’aspect légal des choses.

Et Badnarik était super, nous ne sommes pas d’accord sur pas mal de choses, comme si oui ou non le 14ème Amendement fait que tout les gens nés aux États-Unois en sont des citoyens (c’est le cas) mais je respecte qu’il n’ait donné de mauvais conseil à personne. Il a juste présenté ses croyances et invité les gens à en discuter d’une façon amical et respectueuse.

Même si j’ai adoré débattre de la Constitution avec Badnarik, je regrette vraiment avoir raté le documentaire sur les attaques de Paris. J’ai discuté de législation avec de nombreuses personnes des années durant. Je n’ai jamais rien expérimenté de tel. Cette phrase existe seulement pour pour faire monter le suspense – vous le sentez !

Le documentaire est en ligne, donc même si je l’ai raté, je pourrais aller le voir n’importe quand. Et je le ferais lorsque nous serons à quai et que la bande passante sera moins chère. Donc je ne vais pas le décrireen détail d’ici là.

En me basant sur les gens qui l’ont vu – qui sont mes sources pour toutes les choses qui sont arrivés quand j’étais en dehors de la pièce – il développe la thèse selon laquelle les attaques survenues au Bataclan pendant le concert des Eagles of Death Metal étaient une attaque sous faux drapeau tout ou partie orchestrée par le Qatar et Ari Emmanuel (son frère Rahm est le maire de Chicago). Je ne sais pas si il existe la moindre preuve de ça, je suspecte que la réponse soit « pas des masses ».

Mais les journalistes étaient là pour découvrir, les deux auteurs et la photographe que j’ai mentionné plus haut ont assisté à la projection, que Horowitz et Kane ont présenté en personne. A la demande de Kane, Merlan s’est levée et s’est présentée comme auteur pour Jezebel avant la projection et Horowitz et Kane ont répondu avec une anecdote à propos d’avoir piégé l’équipe du film de Penn et Teller. Un moment bizarre, mais rien de grave.

Après le documentaire, Kane s’est adressée à la photographe devant toute la salle et l’a invectivée, lui reprochant spécifiquement de prendre les mauvaises photos. Elle semblait outrée que la photographe ait pris des photos de la partie du film présentant les « sponsors » du couple, dont je pense que ce sont leurs propres produits – des charlataneries naturopathiques pour la plupart – et a demandé à savoir pourquoi son journal photographe serait intéressé par cette conférence. Je crois que j’aurais répondu « Mon dieu, mais qui ne le serait pas ? ».

Je peux seulement imaginer comment la photographe s’est senti pour avoir été stigmatisée et grondée en public simplement pour avoir fait son travail. Et je devrais insister sur le fait qu’elle fait un travail que Kane devrait appeler de ses vœux. Ils sont ici pour expliquer et partager leurs croyances. Ils vendent des DVD de leurs conférences. Horowitz et Kane essayaient de soulever de l’intérêt pour leur documentaire.

Attaquer les médias qui leur en montrent a du sembler aussi étrange et hostile à leur public qu’à moi, puisque de nombreux complotistes de l’assistance ont pris le partie de la photographe. Voir une professionnelle attaquée pour avoir fait son travail les a offensé de la même façon que vous et moi, et eux sont ici parcequ’ils ne sont pas réservés sur leurs croyances en général – lorsqu’ils sont outrés, ils se lèvent pour le dire.

Le résultat a été un genre de mini conseil municipal avec coupages de paroles et noms d’oiseaux. Le conférencier professeur de yoga a pris la défense des journalistes, par exemple, tout comme le gentleman avec qui j’ai dîné le 1er jour – comme raconté le 3ème.

J’ai entendu un peu de ce barouf à travers le mur mais n’y ai pas prêté plus attention que ça, on s’attend à ce qu’un documentaire sur le fait que les attaques de Paris étaient réalisées sous faux drapeau comporte un certain nombre de scène d’émeutes, et j’ai supposé que c’était ce que j’entendais.

Avant que je m’interroge, tout le bruit avait cessé et les gens se dispersaient dans le bateau (la plupart des conférences ont lieu dans une salle située à la proue, vers le casino, chaque fois que je le traverse je regarde la table de poker et me promets d’y passer au moins une heure, mais je n’ai pas encore eu le temps, telle est ma dévotion pour vous chers lecteurs – vous me tuez chers lecteurs).

Un peu plus tard cette nuit-là, Merlan est allée au cybercafé à la poupe du bateau, ce que les marins appelle le cul du bateau. Ensuite elle est allée vers Horowitz et Kane, qui avaient copieusement glosé sur comment ils aiment se confronter aux médias dont ils pensent qu’ils les attaquent – et ils sont particulièrement motivés motivés avec ceux dont ils croient qu’ils font partie de COINTELPRO. Alors ce n’est peut-être pas une surprise qu’ils soient arrivés avec une caméra et la ferme conviction que Merlan ne fasse pas vraiment partie du genre humain.

Je n’avais jamais rencontré cette dernière avant la croisière, mais quand j’ai entendu qu’elle écrivait pour Jezebel, j’ai formé quelques idées préconçues. Notamment qu’elle serait sceptique, peu amène et peu encline à accepter les foutaises. Mais je ne crois pas que beaucoups de gens sur ce bateau sache vraiment ce qu’est Jezebel, quelques uns semblent penser que c’est un blog gentillet pour nanas qui veulent entendre parler des femmes en politiques entre deux grossesses. Je pense qu’ils vont au devant de grosses surprises. Mais pas nécessairement désagréables, étant donnée la bonne impression que les participants font en règle générale.

Ce qui s’est passé ensuite est de notoriété publique ici : Merlan et le duo HoroKane/Kane (ils aiment à s’appeler eux même les « HoroKane » – jeu de mots avec hurricane, ouragans NDT – mais… non) se sont filmés les uns les autres et puis ils ont… parlé. Parlé comme le font les gens normaux. Je vous jure, ça a commencé comme une embuscade et je vous jure, c’était une drôle de conversation. Dans ce genre de circonstances cela m’aurait mis sur mes gardes.

Ils ont suggéré que la CIA embauche de jeunes reporters, parfois sans que même ces derniers soient au courant, et que c’était peut-être son cas. Ils ont aussi suggéré que Gawker (un groupe de webmédias NDT) pourrait être en partie contrôlé par le Scheik du Qatar, et qu’il tirerait les ficelles.

Mais ils ont aussi expliqué qu’ils avaient le sentiment d’être beaucoup dénigrés par les médias et ils l’ont écoutée lorsqu’elle leur a dit qu’elle n’était pas là pour les piéger. Ils l’ont peut être crue elle aussi, à la fin de la journée, en fait, ils ont fait ce pour quoi les gens à bord de ce bateau y sont : discuter d’idées qui sont trop bizarres pour pouvoir générer des discussions sérieuses dans le monde du dehors. C’était une très mauvaise façon d’avoir cette conversation mais nous pouvons témoigner que cela s’est bien fini.